Approche pragmatique de la préservation et de la promotion des langues indigènes en afrique noire
Abstract
Tous les pays d’Afrique au sud du Sahara, comme la plupart des anciennes colonies, ont pour langue officielle des langues étrangères, en l’occurrence le français, l’anglais, le portugais ou l’espagnol. Les efforts officiels d’alphabétisation s’orientent en général vers l’acquisition de ces langues qui sont censées dominer tous les secteurs de la vie publique. Le débat sur la place des langues africaines dans la vie nationale, amorcé avant les indépendances, a rarement abouti à des mesures concrètes de valorisation des parlers locaux. Les modèles d’intégration avancés jusqu’ici accordent une importance prépondérante au système éducatif. Or, s’il est indéniable que l’école constitue un instrument puissant et efficace pour assurer sinon l’expansion du moins la pérennité de la langue, force est de constater que pour diverses raisons, l’État qui finance et contrôle traditionnellement le système scolaire n’a ni la volonté, ni les moyens d’assumer la préservation et la promotion des langues locales. Les groupes ethnolinguistiques eux-mêmes ne débordent pas apparemment d’enthousiasme pour la sauvegarde de leurs langues, car depuis longtemps il est acquis que la maîtrise des langues officielles constitue la clé de la réussite sociale et économique, voire politique. Pendant que les spécialistes multiplient modèles et expériences, et que les autorités politico-administratives tergiversent, le statu quo profite aux langues officielles dont le champ d’usage ne cesse de s’agrandir. Les langues locales quant à elles régressent et la plupart (en particulier celles qui ont un nombre relativement réduit de locuteurs) semblent vouer à une disparition certaine. Face à cette situation, il nous paraît nécessaire de mener de front plusieurs démarches d’ordre pragmatique, notamment en cernant de manière objective les sources de menace, en redéfinissant le rôle de chaque langue en présence, en recherchant des voies de promotion autres que celles du système éducatif formel, en établissant un lien clair entre l’alphabétisation en langues locales et l’épanouissement individuel et collectif, en sensibilisant les communautés concernées, et en améliorant les activités de préservation qui, chez de nombreux chercheurs, se limitent à la description linguistique des langues menacées.